ARTICLE 14 : "La muselière, ce vieux débat qui refuse de mourir"

Publié le 16 octobre 2025 à 11:34

Belgique : La semaine dernière, nous apprenions que six communes liégeoises - Amay, Engis, Saint-Georges, Wanze, Villers-le-Bouillet et Verlaine - ont décidé d’imposer le port de la muselière aux chiens de + de 20kg et/ou de + de 40 cm au garrot lors des grands rassemblements.

Aussitôt, la toile s’est indignée !

Les uns crient à la discrimination, d’autres dénoncent une incohérence : Les propriétaires de chiens catégorisés rappellent que personne ne s’était indigné à l’époque de leur stigmatisation, tandis que les plus prudents voient dans cette mesure un moyen de prévention.. Et, comme à chaque fois que la muselière revient dans le débat, les mêmes clichés refont surface.

La muselière : Un outil, pas une sentence !

Soyons clairs : Tout chien, quelle que soit sa race ou sa taille, devrait pouvoir porter une muselière.

Non pas parce qu’il serait « dangereux », mais parce que la vie le confrontera, tôt ou tard, à des situations où cet accessoire devient utile, voire nécessaire :

- dans les transports publics (comme c’est déjà obligatoire en France) ;

- chez le vétérinaire, lorsque les soins coopératifs ne suffisent pas ;

- après un accident ou dans un contexte stressant.

Refuser cet apprentissage, c’est refuser d’outiller son chien à vivre dans le monde humain. C’est prendre le risque de le mettre en inconfort face à cet outil inconnu, le jour il n’y aura pas d’autre possibilité.

La muselière n’est pas une punition, c’est un outil de confiance et de prévention, qui protège sans contraindre et sécurise tout le monde.

À condition, bien sûr, qu’elle ait été introduite correctement, avec patience, en amont, et dans une démarche progressive, plutôt que sous la contrainte d’une urgence.

Une mesure mal calibrée.

Là où le bât blesse, c’est dans la logique même de la mesure prise.

Cibler les chiens de plus de 40 kg revient à confondre puissance physique et dangerosité comportementale.

Un Jack Russell mal socialisé pourra mordre plus souvent qu’un Malamute équilibré.

La seule différence, c’est la gravité potentielle de la morsure, pas le risque d’occurrence.

Les émotions, elles, ne se mesurent pas au poids du chien ni à la taille de sa mâchoire.

Les vraies questions sont ailleurs...

Au lieu de brandir la muselière comme un symbole, demandons-nous :

qu’a-t-on à gagner à emmener un chien au milieu d’une foule dense, bruyante, imprévisible ?

Un marché de Noël, une fête médiévale ou une manifestation ne sont pas des « activités canines ».

Combien de chiens voit-on, oreilles rabattues, queue basse, haletant, mais « tenus » parce que « ça le sociabilise » ?

Beaucoup d’entre eux ne sont pas outillés pour gérer ces situations anxiogènes et hyper stimulantes.

Un argument souvent avancé dans les médias est celui de l’éducation. Pourtant, un chien qui mord n’est pas nécessairement un chien mal éduqué !

La plupart des morsures, sauf pathologies sous-jacentes et diagnostiquées par un vétérinaire compétent, sont dues à une méconnaissance du langage canin ou à l’irrespect de son espace personnel, et non à un manquement éducatif.

Soyons honnêtes : La sociabilisation n’a rien à voir avec l’exposition forcée à la foule.

Et s’il fallait une preuve d’amour, ce serait celle-ci : savoir laisser Médor à la maison, tranquille, pendant que nous nous amusons, et lui offrir une balade de qualité à notre retour

Réactions et responsabilités.

Quant à la justification de la mesure - prévenir une éventuelle agressivité - elle révèle une méconnaissance du comportement canin.

Face à une menace perçue, la morsure n’est qu’une réponse possible, parmi d’autres.

Un chien pourra tout aussi bien chercher à fuir, se figer, ou adopter une posture d’apaisement pour éviter le conflit.

Et c’est précisément là le danger : un chien immobile, qui semble calme, peut en réalité être en train de se tétaniser sous l’effet du stress.

Derrière cette apparente maîtrise, il y a souvent une détresse silencieuse.

Alors, que dire ?

Aux autorités de la zone de police Meuse-Hesbaye, nous dirons ceci :

“Prévenez en amont, formez, informez, mais ne faites pas payer à l’animal l’égoïsme humain.”

Aux détracteurs de la muselière :

“Cessez d’en faire un symbole de honte ; elle n’est qu’un outil, neutre par essence.”

Et à ceux qui la brandissent comme une solution miracle :

“Une muselière peut sécuriser une situation, pas guérir un comportement.”

L’enjeu, ici, n’est pas la muselière.

C’est la compréhension du chien comme individu sensible, pris entre le monde de ses instincts et celui de nos obligations.

Et tant que ce dialogue-là restera incompris, nous continuerons à débattre d’outils au lieu de parler de bon sens.

-------------------------------------------------------------------------------------

{COPYRIGHT} Article rédigé par Virtual Kanin et Truffes&Coussinets - Rubrique "Les p'tites Actus du Monde Canin" - Octobre 2025

 

{Crédit photo personnelle : Athena, Chien-Loup Tchékoslovaque}

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.